LI CHEVALIER

LI CHEVALIER

Flamme Noire

 

LI CHEVALIER

Galerie Michaell Goedhuis 

2 Juillet 2019 

 

Quel est donc le vrai rapport entre la nature d'une rose rouge écarlate et un art qui tenterait de se réfugier dans l’univers épuré des lettrés, en retrait du vacarme et de la fureur du monde séculaire ?  Pouvons-nous vraiment accueillir l’idée de notre propre « néant » dans une « Zenitude » à l’abri de la hantise des nausées existentielles, propres à se décliner tantôt en révoltes fracassantes, tantôt en hurlements, hymnes à une joie Dyonésienne, souvent fugace.

 

" Rien n'est zen dans votre univers, tout est < Crainte et Tremblement> !" me disait le philosophe français Charles Pépin , découvrant mon atelier.

 

70 B7 150.jpg

 

 

 

 Malevitch pose son noir comme principe de la suprématie du sentiment pur dégagé des formes et des couleurs. Quant à moi, mes flammes noires ne sont là que pour paraphraser visuellement un sentiment  pur ou impur, dégagé de l’incommensurable complexité de ce monde, obscur, intolérable, de par son inaccessibilité.  Peut -on trouver mieux que la noirceur de l’encre de Chine pour fonder l’intensité d’un tel vertige métaphysique, pour ne pas dire malaise.

 

"L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir". Victor Hugo.  

 

Un banc solitaire adossé à l’océan d’une insondable profondeur ; Un  pi π grec de l’incommensurable, , qui défie la rationalité ;  des points d’interrogation suspendus dans le ciel, l’incertitude  constellant  la terre, l’esprit.   Le vide vertigineux !  Vide de l'autre, vide de sens où "la puissance du souffle poétique se traduit en un cri lucide et désespéré face à l'immense solitude qui habite l'homme". Rainer Maria Rilke

 

Entre les deux rives ténébreuses que nous dépeint Victor Hugo, entre le ciel et la terre infusés d’encre, pour respirer malgré tout, je n’ai guère le choix que de laisser percer de temps à autre quelques rayons de   lumière comme consolation, quoique passagère, quête désabusée de sens dans un monde de non-sens, persistance d’une aspiration au désirable non durable, appel à la beauté si diffuse et aux grands espaces, scènes de notre incompréhensible présence.

 

 

 

                                                                                        ------------------

 

 

 Après mon vagabondage à travers la philosophie et l’art pictural occidental débuté dans les années 90, j’ai entrepris depuis plus d’une décennie de revisiter l’encre de chine, vecteur d’un art millénaire oriental, qui incarne, à mon sens, une singularité esthétique et spirituelle de grande noblesse, dans un paysage artistique contemporain largement soumis au langage conceptuel occidental.

 

Cette quête serait simple si elle pouvait s’accomplir par une actualisation purement plastique ; substitution d’un pinceau par la manipulation des matières, transcendance dans la conception et la réalisation de l'espace, bouleversement du support etc.  Or le plus troublant pour moi, dans ce retour « au pays des merveilles », réside dans cette tension constante que je ressens, entre mon intériorité souvent troublée, fortement teintée de pigments philosophiques occidentaux et l’orientation plastique de l’art de l’encre, qui incarne traditionnellement une sagesse défiant tout autant la passion que l’aventure spéculative.

 

Si le goût pour la dualité, très platonicienne enivre souvent l’occident dans son idéal de vérité absolue et dans l’expression dramaturgique de « chiaro- scuro », la sagesse orientale, elle, se nourrit du dégradé de gris, d’une pensée brumeuse sur un terrain neutre ou elle célèbre l’ambigüité, le transitoire et le doute, et où, le statut de permanence et d’absolu  est dénié à jamais  à la  vérité . 

 

Ayant opté pour l'intuition contre l'ordre intellectuel, l’art oriental fondé sur un tel esprit vaporeux ne peut qu’aller à l’encontre d’un édifice du sens par l’argumentation.  L’art de l’encre m’oblige donc à m’aventurer dans un langage de semi-abstraction pour y dissoudre la figuration, pour y plonger dans des intuitions évasives et allusives, pour y suggérer le lieu dans le non-lieu, y infuser des formes sans forme avec pudeur et retenue.

 

La peinture à l'encre, de par sa fluidité, (comparée à « l’empâtement » de la peinture à l’huile, si apte à incarner des formes tridimensionnelles rationnellement organisées), la richesse de ses accidents de parcours et l’ambivalence de son atmosphère, nous entraine vers l’essence même d'une culture plus proche de la poésie que de la science et de la philosophie. C’est un art qui contourne le réel pour épouser l’imaginaire, qui préfère s’en remettre à la vertu du doute, la suspension du jugement, plutôt que de se précipiter dans l'affirmation et l’affrontement.

La vertu morale et la qualité picturale convergent dans une seule classique injonction : Il est précieux de ne pas voir trop clair. ( 难得糊涂)

 

Une grenouille au fond d’un puits peut -elle saisir la dimension du ciel ?

Cette vieille métaphore chinoise illustre un relativisme ancestral :   La tentation de la quête de sens et de la vérité dénote un manque de sagesse que l’orient qualifierait d’imprudence, propre à déranger la paix de l’âme.

 

Contenir mes flammes noires en dessous du seuil d’incendie, retenir mon désir de quête de sens et de brillance pour préserver une certaine réserve, mettre en sourdine mes élans d’enthousiasme et mes exaspérations , sont des défis que la brume qui recouvre et baigne mes tableaux m’offre une chance de relever.  

 

 

 

 62563736_10157418162488656_3303527555176333312_o.jpg

 

 

 

 

 

 



14/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 451 autres membres